Lecture de multiples rapports, rédaction d'autres synthèses, il naviguait au gré des heures du jour et de la nuit, pendant que le printemps après avoir embelli de milliers de fleurs les deux cerisiers du jardin, libérait maintenant les premières feuilles vertes. Lui travaillait encore et encore, ne regardant plus les horloges au mur, ne voyant pas les journées se finir.
Heureusement sa bonne amie, une dame à particules, souvent surnommée "la vicomtesse" à demi-mots lui avait laissé un message. Une amie lui avait présentée une jeune femme, souhaitant devenir libertine pour son plaisir personnel, mais manquant apparemment de vraies références. Elles avaient pris le thé ensemble, pour discerner la naïveté d'une réelle curiosité, et surtout chasser l'éventuelle jeune maîtresse poussée aux vices par un amant fantasmeur. Ainsi elle lui demandait de faire une pause, de sortir de ses rapports ennuyeux, de reprendre goût à la vie charnelle, mais dans ce cas précis, elle voulait qu'il la guide dans sa féminité "visible mais aussi invisible". Tels étaient les derniers mots du message.
Quittant son bureau, dans sa demeure bourgeoise, il alla préparer un grand thé fumé dans la cuisine. L'endroit était froid depuis qu'il ne prenait plus le temps d'organiser des soirées, des dégustations de petits et grands vins. Les volets étaient encore clos en ce milieu d'après-midi. Il n'eut pas la volonté de les ouvrir. Sous l'éclairage led, il laissait infuser les feuilles noircis de ce thé rapportée par une amie vietnamienne, une merveille de force et de saveurs fines. Il eut soudainement les souvenirs de sa robe de soie naturelle dans sa mémoire, de l'odeur de sa peau, celles de ses lèvres et du thé savouré au même instant. L'horloge de l'entrée sonna les cinq coups, elle ne devrait pas tarder.
La vapeur s'échappait du col de théière, il posa le plateau dans le boudoir bleu, sur la table basse, proche de la méridienne de velours bleu canard. Le carillon de la porte sonna. Il sourit et s'avança vers la porte partiellement vitrée. Le haut était un vitrail d'inspiration renaissance qui laissait apercevoir les bustes, mais il avait fait ajourer le bas pour laisser les jambes jouer de leurs contours et ombres à travers un autre vitrail moderne de plusieurs teintes de gris. Ainsi il avait de suite un coup d'oeil sur le corps de la personne derrière cette porte floue.
"Bonjour Monsieur, je suis Coraline. La Vicomtesse m'a indiquée votre adresse pour un rendez-vous."
"Bonjour chère Coraline, veuillez entrer loin de cette pluie fine."
Elle avait fait quelques pas dans ce couloir, cherchant un recoin pour poser son parapluie mouillé. Il lui proposa de le prendre ainsi que son long trench marqué par ce printemps chagrin. Elle jetait ses yeux sur tous les éléments de décoration, les couleurs des murs, la chaleur des boiseries, le froid impeccable des carreaux au sol, les peintures modernes et quelques sculptures, mais aussi le vide complet deu moindre meuble dans cet alignement.
"Je vous propose un thé, ne changeons pas les habitudes, comme avec celle qui vous envoie ici. Suivez-moi vers le salon bleu."
Coraline entra, vit la théière, les tasses, quelques mignardises et des chocolats noirs. Il la guida vers la méridienne, prenant pour sa part le grand fauteuil club.
"Votre motivation semble totale, la Vicomtesse m'a rappelé avant votre venue pour me parler de votre échange. J'ai ainsi un bout du contexte de votre venue auprès d'elle. Apparemment une amie commune vous aurait parlé de nos moments de dégustations sensuelles." Il sourit, elle rougit.
"Oui, j'ai une envie, comme un besoin profond de me libérer sensuellement, sexuellement, de m'épanouir dans un monde libéré de tous jugements. Mais avec mille ingrédients, avec de nouveaux menus, et des plats préférés." Elle sourit son tour. "Je voudrais apprendre, comprendre, tester pour mieux goûter ensuite, combiner les épices pour mieux les apprécier. Et rassurez-vous, je ne suis pas vierge de tout cela." Elle commençait doucement à se libérer, se rassurant elle-même de ce lieu et de cet inconnu face à elle.
La pièce était une composition de bleus multiples, avec juste un fond crème entre les commodes et les portes formant armoires encastrées dans les murs. Deux fenêtres donnaient sur le jardin, où malicieusement les fleurs présentes étaient bleues. Du velours bleu canard pour les deux méridiennes, du cuir bleu nuit recouvrant les meubles, du cuir patiné sur les fauteuils, des coussins nombreux avec des variantes de pastelles ou bleu électrique, le lustre du plafond brillait de lumière blanche, avec des pampilles de verre bleu réfractant des touches sur les murs clairs.
"Savez-vous ce qui vous amène ici ?"
"Non, Madame semblait y tenir particulièrement, elle a envoyé son email devant moi, à la fin de notre rencontre. Elle m'avait longuement interrogé pour connaître mon histoire, surtout mes envies. Nous avons évoqué aussi les pratiques, celles que je pourrai découvrir, d'autres encore, pour mieux cerner mes nouvelles envies. Madame m'a expliqué certaines règles, certains désirs de sa part si elle m'initie. J'ai répondu à ses questions, j'en ai posé aussi, beaucoup. Ce fût un moment agréable et étonnant."
"Etonnant en quoi ?"
"Ce n'est pas commun de venir chez une femme, une amie d'amie, pour lui parler dès la troisième phrase de sexe, de clitoris, de jeux entre adultes. Ce n'était pas ma psy, mais je lui ai finalement tout dévoilé. Verbalement je m'entends."
"Et bien nous allons continuer ensemble, mais avec une mise à nu plus complète."
Il l'observait depuis son arrivée, son regard d'esthète se réveillait, endormi depuis des semaines. Elle était là, face à lui, habillée. Juste pour le plaisir des yeux. Voyeur, fétichiste, épicurien, jouisseur et tant d'autres adjectifs que la vicomtesse aurait pu lui attribuer, mais elle n'avait rien dit à cette jeune trentenaire, sauf une adresse, une personne de confiance.
"Vous êtes un artiste ? peintre ? sculpteur ? non ?"
"Si je devais l'être, je serai plutôt photographe, directeur artistique d'une collection de féminités."
Elle rit, ne comprenant pas le sens ambigu de ses mots, mais ainsi plus libre de se donner dans cette échange. Lui l'observait avec sa tasse chaude dans les mains fines. Il savait ce qu'il allait devoir changer, détails après détails.
"Madame m'a dit de venir dans le tenue que j'avais chez elle."
Coraline était donc habillée d'un pantalon très moulant sur ses fesses, assez large dans le bas pour couvrir des bottes. Il avait fait cette différence en la voyant s'asseoir. Un pull noir ample mais suffisant bien taillé pour s'envelopper autour de sa poitrine. Un joli bonnet C sauf si elle trichait avait-il pensé. Des cheveux mi-longs, brune naturelle avec des très légers reflets roux. Un maquillage sobre mais trop marqué sur les joues, une surenchère très à la mode sur la taille des sourcils et des faux-cils. La vulgarité pointait presque son nez sauf pour sortir dans une boîte de nuit en ajoutant un gloss sur les lèvres. Il sourit de cette dérive douce en voyant son souffle sur la tasse de té trop chaude. Elle se sentait scruter, elle perdait son assurance face à ce silence.
"Le thé peut attendre, levez-vous chère Coraline. Et retirez-moi ce pantalon. Là. Maintenant." C'était une voix douce, chaude mais directive qui arriva jusqu'aux oreilles de la jeune femme.
"Je ... je dois ... je suis un peu perdue."
"Posez cette tasse, laissons le thé refroidir sagement, il serait meilleur tiède. Mais comme je viens de vous le demander. Retirez votre pantalon."
Elle se leva.
"Parmi les règles, il y a que vous ne porterez pas de tenues, de pantalons."
Elle défit les boutons élégants, joua du zip latéral, libérant ses hanches. Laissant glisser ainsi le pantalon vers ses cuisses, soudainement reprenant conscience d'être face à lui, elle stoppa comme pour se couvrir le sexe avec ses bras. "Je ne porte pas de culotte."
Incrédule dans cette phrase face à cet homme dont elle ne connaissait ni le nom, ni le prénom. Face à cet inconnu.
"Je respecte la règle que Madame m'a répétée plusieurs fois, en me précisant les exceptions."
"Elle ne vous a pas encore tout dit. Mais si certaines règles vous surprennent, voire vous choquent, elles deviendront des évidences dans la pratique. Vous êtes ici pour être accessible. Toujours accessible à vos plaisirs, à tous les plaisirs."
Elle fit tomber le pantalon à ses pieds, souleva ses bottes et le posa sur le bout de la méridienne, comprenant qu'il ne lui serait pas utile, plus utile. Debout dans un collant semi-opaque noir impeccable, elle semblait perdue.
"Vos bottes ont une jolie coupe, un peu cavalière, dans un cuir épais, un bon point dans votre tenue. Toutefois, je vous propose de les retirer. Non que je ne veuille les voir sur vos jambes mais il y a une règle encore à respecter."
Elle s'assit, il la dévorait des yeux tout autant que ce cannelé croquant sous ses dents, moelleux et presque suintant de rhum intérieurement. Sa bouche s'emplissait de bonheur, autant que ses pensées découpaient avec envie ce corps pour les prochaines étapes.
Les bottes étaient posées debout proches de la table basse. Huit bons centimètres de talons, un bonus qui allongeait cette femme depuis son arrivée. A plat maintenant, elle semblait plus fragile.
"Restez accessible pour vos plaisirs, pour les plaisirs, pour tous les plaisirs. Imprégnez-vous de cette règle tel un mantra."
Debout avec son collant noir, son pull noir.
"Je ne comprends. Monsieur, je ne comprends pas."
Il sourit, ouvrant un tiroir caché en dessous la table basse, posant à côté de la tasse de la belle, debout un simple vibromasseur couleur ivoire.
"Et maintenant sans vous expliquer en détail, donnez-vous du plaisir avec." Un sourire malicieux aux coins des lèvres. Sa tasse tiède dans la main.
Coraline s'assit sur le bord, puis en se reculant se cala dans le rebord de cette méridienne si douce. Elle avait le vibro dans sa main, elle reprit alors le chemin de ses envies, celles qui l'avait amené chez son amie, chez cette femme bcbg, chez cet homme. Se mettre à nu prenait un sens premier, elle hésitait malgré ses choix sans ambiguïté, malgré sa pudeur déjà bien consommée, mais la soudaineté de la demande la troublait. Dans sa chambre, dans sa commode, il y avait le cousin rose de ce vibro, elle savait en abuser, longuement, dessus, dessous, dedans.
Mais devant lui, toujours aussi inconnu, elle devait se masturber, se donner du plaisir face à son regard. Respectueux mais en attente de l'acte.
Elle s'allongea, tortilla des fesses pour remonter à mi-cuisse ce collant noir. Couchée elle pensait être un peu moins visible tout en étant presque nue, pas directement sous son regard.
"Peut-être comprenez-vous notre règle ? Le passage ne doit pas être impossible pour vos mains, pour vos envies, même pour vos besoins naturels. Libérez-moi vos jambes !" dit-il en se levant vers elle. Traversant cet espace de moins de deux mètres de l'autre côté de la table basse, la main sur sa cuisse. Chaude, prégnante, retirant vers les chevilles le collant, déchirant presque de sa force soudaine malgré sa voix calme, la matière. Il prit, fit une boule, la jeta au loin comme bannie des lieux.
Elle était perdue avec les jambes nues, le sexe visible. Le vibromasseur ivoire glissant de sa main vers le velours bleu, elle le rattrapa, figée dans son mouvement par l'objectif demandé initialement. Pourrait-elle se masturber devant lui ?
Il sourit, lui proposa de se rasseoir, de finir sa tasse de thé. Coraline dans un geste naturel, tira sur son pull trop court pour cacher son intimité, sa chair offerte.
"La chaleur de la pièce vous convient, j'avais rajouté quelque degrés avant votre arrivée. Votre tenue ne semble pas avoir plus assez à la Vicomtesse. Nous allons corriger cela ensemble. Buvez"
Coraline mesurait doucement ces premiers pas dans cette initiation aux plaisirs. Claire lui avait tant vanté les plaisirs à découvrir, les moments d'épanouissement progressif, avec un enthousiasme total. Tant de sourires rayonnants.
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