mercredi 28 août 2013

Deux ans

Deux années avaient passé depuis ce soir-là, avec tant d'échanges, tant de mots, quelques rencontres, beaucoup de balades. Calée dans son canapé moelleux, un alcool de pêche de vignes dans un verre ballon, un crème sirupeuse enveloppant de parfums ce petit atmosphère, elle fermait les yeux, s'ouvrait à ses souvenirs.

Sa féminité, sa  sensualité, son âme de femme, ce tout qui s'enroulait dans la mode chaque jour. Qui était elle aujourd'hui ?

En vacances, allongée, dans un kimono de soie, elle regardait autour d'elle, cet endroit, son chez elle, sa liberté par rapport à lui, cet intrus, devenu son mâle, son image masculine. Douée et libre de part son travail, sa profession libérale lui laissait de nombreux avantages, dont celle de l'argent, mais aussi du pouvoir à l'égal des hommes, d'autant qu'elle était une experte reconnue, admirée, jalousée parfois. Libre de choisir sa vie, de vivre pleinement en plus de son univers professionnel, dans ses passions. L'art, la lecture, les quelques pièces de théâtre, la sculpture, et surtout la mode.

Sur sa table basse, des escarpins vernis noirs, des doubles brides serties de reflets bleus, des strass, une pure attraction pour cette folie, une paire de plus, pour que chaque jour, sa silhouette resplendisse des pieds à la tête.



Elle pensa à lui, absent depuis quelques temps, discret, pris par des mots, des dossiers à travailler en silence, des écrits pour la nuit mais cette fois avec du jazz, et puis des virées, sans but en voiture, pour s'aérer, pour écouter du ACDC à fond, et atterrir dans une chambre d'hôte sur la côte. Là, il était injoignable, coupé de tous, avec juste son clavier, ses mots infinis, ce regard à travers la vitre sur la plage. La mer montante, les rochers, le ressac, l'écume, le sable sous ses pieds pour de rares sorties, il revenait déjà. A côté de lui, du thé, des litres depuis ces derniers jours, quelques fruits, rien de plus. Ascète en plein accouchement d'un prochain livre, il souffrait, mais c'était le lien entre ses mots, il donnait tout de lui, s'épuisant, dormant presque sur la chaise. S'écroulant sur le lit, derrière lui, toujours face à la mer déchaînée certaines nuits, les embruns et l'iode s'infiltraient dans l'air ambiant.

Un soir, dans une cabine téléphonique, il avait appelé, parlant sans relâche, libérant un flot gardé dans son silence, souffrant encore de ne pas être près d'elle, plus encore en elle. Pas pour un besoin primaire, mais bien pour fusionner avec elle, pour remplir de bonheur son sexe féminin, pour marquer sa place de mâle, et surtout pour lui donner du plaisir, la voir lâcher prise, avec quelques larmes, un sourire unique juste avant sa jouissance. Il lui manquait cette virilité, son sexe d'homme, sa langue de gourmet.




Où était-il aujourd'hui ? Avait-il tenu compte de sa fatigue, de ses douleurs internes, de sa force défaillante ?

Les questions venaient, elle sautait avec son regard de ses beaux escarpins posés sur cette table devant elle, à son livre, à cette homme, loin dont elle avait envie, là maintenant.

Deux images encore s'ajoutaient.

La tunique de sa dernière visite, encore là sur le dossier de chaise, il l'avait vite soulever, pour arriver vers son collant, unique lingerie sur son corps, dernier rempart entre lui et son intimité. Il l'avait léchée, assis, elle debout, à travers le fin voile, elle avait senti la langue, les coups secs, rapides et appuyés sur son bouton. Suivis de succions de ses petites lèvres, son doigt, sa langue encore, sa bouche et surtout cette humidité incontrôlable le long de ses cuisses. En se relevant, il avait mis deux doigts très invasif en elle, directement, juste avant ce petit cri, ce début de jouissance.

Sa robe d'aujourd'hui , elle aussi sur la chaise, celle qu'elle portait avec les hauts talons,  follement féminine, croyant le faire arriver plus vite près d'elle depuis ce matin. Jouant le vaudou, avec son corps entier, un bustier de soie, un string d'organza noir, des bas noirs très hauts sur ses cuisses. Divine mode, celle qui sublimait son corps, et dont elle avait les clefs sensuelles, celles qu'elle lui donnerait avec son corps.

Où était-il ?
Ce livre, ce défi le dévorerait-il ?



Mr Steed pour les deux ans de ce blog ! pour vous toutes & tous !